dimanche 31 mai 2015

DE L'AFRIQUE TRADITIONNELLE A L'AFRIQUE MODERNE

DE L'AFRIQUE TRADITIONNELLE A L'AFRIQUE MODERNE OU LE PASSAGE DE L'INTEGRATION SOCIALE A LA DESINTEGRATION SOCIALE.

Parler de mutations profondes de la société africaine traditionnelle en matière d'intégration sociale à un petit Africain né dans une ville, au sein d'une famille moderne et nantie, qui de surcroît a grandi dans une villa cossue entretenue par de nombreux gardiens et travailleurs à domicile, dans un quartier huppé d'Abidjan, de Libreville, de Dakar, de Yaoundé, de Brazzaville, de Kinshasa...etc., c'est comme la prédication dans le désert d'un dernier prêtre de culte en voie de disparition à un incroyant. Non seulement ce petit Africain vous croira à peine, mais encore il verrait en vous un vil mélancolique d'une période imaginaire, délirant à plein tube.
Mais, pour l'Africain né dans une campagne et un village africains sous le régime des traditions ancestrales, devoir se souvenir de ce passé, et opérer un parallélisme entre cette Afrique traditionnelle et l'Afrique moderne, quelle souffrance ! Quelle torture psychologique ! Et finalement quel désenchantement !
Entre cette société traditionnelle africaine, où, l'individualisme était inconcevable, vu que c'est l'altruisme caractérisé par le groupe, le collectif, qui donnait un sens à la vie des personnes, et cette société africaine moderne où, inversement, c'est le culte de l'individualisme, mais quel écart !
Au risque de tomber dans le culte fanatique d'un modèle social au détriment d'un autre, disons avec réalisme qu'autant, l'excès d'intégration sociale peut nuire à l'individu dans certains cas, autant, il est tout aussi vrai que l'excès d'individualisme est non seulement nocif à l'individu mais encore à la société. De ce constat, la logique voudrait que la société idéale soit celle qui favorise les deux formes de vie sociale que sont : l'individualisme et le collectivisme.
Nos amis Européens ont établi cet équilibre : parallèlement à l'institution sociale originelle qu'est la famille, ils ont mis en place plusieurs institutions sociales comme les orphelinats, les maisons de retraite, les logements sociaux, les structures d'entraide sociale...etc.
A l'opposé, en Afrique moderne, on a uniquement fait de démanteler le réseau du collectivisme traditionnel chargé de prendre en charge l'insertion sociale de l'individu à tous points de vu sans lui substituer d'autres institutions. Aucune alternative n'a été envisagée avec le destruction du lien social dans l'Afrique moderne. Du coup, aujourd'hui, en Afrique, naître dans une famille aisée est une garantie de réussite, lorsque naître dans une famille démunie inscrit le destin de l'individu dans le chaos.
Le chômage galopant dans les villes et campagnes africaines, l'analphabétisme chronique et ses ravages au sein des collectivités où se côtoient lettrés et illettrés avec son lot de conflits permanents, l'abandon des malades sans soins, l'insécurité...etc. se développent sur le continent et se prolongent dans la durée comme s'ils étaient le fait de la fatalité, du mauvais sort, face auxquels l'on n'y pouvait rien. Ainsi, on oublie que si l'Afrique noire connaît une dégradation sociale d'une telle ampleur, c'est bien parce que les États africains ont tous adopté un système managérial complètement étranger à celui de la société traditionnel africain. Et que les politiques publiques modernes initiées dans nos pays respectifs sont entièrement dépouillées des techniques de management anciens basés sur la solidarité et l'esprit de groupe, lesquels ont permis à nos sociétés africaines de s'inscrire dans le progrès social et ce, dans la durée.
Devant une telle régression sociale, l'UPACEB se propose d'être un autre outil continental qui va insuffler une autre gestion managériale de nos États basée sur le système traditionnel africain des politiques publiques.
Retournons dans le passé pour voir en exemples ce qui se faisait dans les politiques publiques d'éducation(1), d'emploi(2), de santé(3), de finances(4), de sécurité(5), de politique étrangère et immigration(6), politiques culturelles...etc., et nous verrons qu'encore aujourd'hui, au 21ème siècle, tous ces leviers peuvent être activés et rendus opérationnels sans nuire aux États, ni même au continent mais au contraire, les renforceront et accéléreront leur développement.

  1. L’Éducation
En Afrique traditionnelle, l'éducation de tout enfant est une affaire communautaire. Tout enfant africain, qu'il naisse d'une famille aisée, ou qu'il naisse dans une famille pauvre appartient à la communauté. Il reçoit la même éducation que tous les enfants du corps social avec lesquels il grandit dans le partage de leurs talents mutuels, dans les jeux collectifs.
Jamais en Afrique traditionnelle, l'éducation d'un enfant n'a relevé de la responsabilité exclusive de la famille. Bien sûr, à la naissance, les parents ont le devoir d'instruire l'enfant sur ses devoirs élémentaires de politesse envers l'adulte, et de convivialité avec ses camarades de jeux. Également, l'enfant apprend à découvrir les tabous familiaux dès ses premières années de vie sur terre. Mais dès l'instant, où, l'enfant se pose en tant que sujet, qu'il intègre le corps social auquel il est appelé à s'identifier, c'est tout le corps social qui prend en charge son éducation.
Question : pourquoi, aujourd'hui, en Afrique, certains États sont nombreux à ne pas rendre l'école obligatoire et gratuite pour tous les enfants jusqu'à un certain âge ? Et pourquoi ce laisser-aller, ce laxisme au niveau continental, entre États rendant l'école obligatoire et d'autres États ne la rendant pas ? L'Afrique traditionnelle a-t-elle une seule fois transigé en matière de politique éducative ?

Je le disais tantôt en ce qui concerne les rites initiatiques dans l'Afrique traditionnelle. Les rites initiatiques obéissaient à des critères d'âge, de sexe, de clan, de village, de tribu...etc.
A ces occasions, tous les impétrants remplissant les critères requis subissaient lesdits rites sans exclusive.
Question : pourquoi au sein de certains États de notre continent, l'inscription à l'école connaît-elle tant de discriminations qui laissent à la rue et sur le pavé de nombreux enfants africains soumis à des corvées et à de mauvais traitements ; tandis que d'autres de leur âge sont tranquillement dans les classes ?
C'est le lieu de rappeler qu'une Organisation à caractère continentale peut rétablir la justice sociale en matière d'éducation. En effet, de même qu'en Afrique traditionnelle, l'éducation des enfants relève de la compétence du corps social tout entier, les États africains ont le devoir moral de transférer leur compétence en matière d'éducation à une organisation continentale comme l'UPACEB, afin qu'elle se charge des politiques publiques dans ce domaine.

  1. L'emploi
L'Afrique traditionnelle ne connaissait pas de chômage. En effet, au sein de cette société rurale vivant d'agriculture, de chasse et de pêche, l'emploi était organisé en corporations. Du coup, chaque membre de la société appartenait à un corps professionnel qui exerçait le travail à la chaîne. Cela veut dire que les uns et les autres selon leur obédience professionnelle s'entraidaient. A tour de rôle, on allait aider un tel à défricher son champs, on allait prêter main forte à tel autre pour ses récoltes. Ainsi de suite, chacun, bénéficiait de forces supplémentaires pour commencer ou pour finir son travail. Et voilà pourquoi les richesses ainsi produites pouvaient bénéficier aux plus précaires de la communauté car la création de richesses était une entreprise collective.
Mine de rien, une telle politique de l'emploi peut être mise en place à un niveau continental par le transfert de compétences entre les pays. En effet, à défaut d'une telle politique de coopération professionnelle, dans certains pays africains, des médecins, des ingénieurs, des professeurs, des diplômés en trop sont au chômage, quand d'autres pays africains, on déplore un déficit de qualifiés.
Devant une telle situation, une organisation continentale de type de l'UPACEB peut coordonner les échanges de compétences entre les pays. Il ne s'agira pas pour les chercheurs d'emploi de postuler directement auprès de l'UPACEB qui ne les connaît pas et ne peut pas vérifier la crédibilité de leurs diplômes. Il appartient aux États membres d'identifier et de fournir chaque année leurs besoins ainsi que leurs postes à pourvoir dans des domaines précis. Parallèlement, il leur appartient de fournir chaque année une liste de leurs qualifiés, disponibles, pour exercer dans un autre pays membre de l'UPACEB.
Cela veut dire que la compétence, en matière de politique de l'emploi peut être subsidiairement transférée à l'Organisation Continentale comme par exemple l'UPACEB.
Pour exemple, dans le domaine agricole, l'Union Européenne a une politique agricole commune. Ce qui lui permet de venir en aide financièrement aux agriculteurs de l'Union. Pourquoi le continent africain ne le ferait pas pour ses paysans et autres professionnels dans d'autres domaines ?

    3) La Santé
S'il y a un domaine en Afrique traditionnelle qui n'échappe pas à l'action groupale, c'est celui de la santé. Et cela mérite d'être expliqué.
En effet, si pour la science européenne, l'Être Humain est composé en trois parties : le Corps, l'Esprit, et l'Âme, pour la science africaine, l'Être Humain est composée en quatre parties : le Corps, l'Esprit, l'Âme et le Cœur.
Ainsi, pour la science africaine, l'individu est orienté dans une double verticalité :
  • une verticalité qu'il détient de son âme qui l'oriente vers les dieux, et le grand Dieu.
  • Une verticalité qu'il détient de son esprit qui l'oriente vers les ancêtres.
Et enfin, pour les Africains, l'individu est orientée dans une double horizontalité :
  • Une horizontalité qu'il détient de son corps ; et une autre horizontalité qu'il détient de son cœur, lesquelles l'inscrivent dans ses rapports avec les autres membres du corps social.
Sur ce dernier point, on comprend pourquoi les Africains ont le devoir d'entretenir leurs corps pour être toujours présentables devant les autres, et qu'ils s’efforcent d'être généreux car la pratique de la générosité est signe d'un « bon cœur ».
Dans cette société, le corps, étant l'enjeu de plusieurs convoitises et matière à séduction, il est donc finalement facteur d'intégration sociale ou au contraire, dans le cas où il serait dégradé, facteur de relégation sociale. C'est ce qui explique que le corps ne se laisse pas à l'abandon mais qu'il est au contraire entretenu avec soin en Afrique. Par ailleurs, le corps modèle étant soumis à des critères esthétiques sélectifs, rigoureux, on comprend pourquoi les handicapés, les Albinos qui ne rentrent pas dans les critères du corps idéal sont souvent victimes de marginalisation sur notre continent.
C'est dans cette perspective que le corps humain, enjeu de plusieurs défis sociaux, dès lors qu'il est frappé par la maladie, c'est-à-dire par la disgrâce tombe en quelque sorte dans « le patrimoine commun », en ce sens que tout le monde se sent concerné.
Par ailleurs, objet déterminant dans ses rapports avec les autres membres du groupe social, et constituant un réel capital social pour chacun au sein de la société, la dégradation du corps humain par la maladie est caractéristique de désintégration sociale de l'individu. D'où, le malade, sa famille et son clan se mobiliseront pour conjurer le mauvais sort.
En outre, en pleine santé, tout individu est membre du corps social auquel il apporte tous ses dons et tous ses talents et en l'espèce, il constitue un réel capital social pour le groupe. Malade, forcément, sa mise en quarantaine devient obligatoire, ce qui privera son groupe de toutes les richesses qu'il lui apporte. Et voilà pourquoi la communauté toute entière s'implique dans la recherche de remèdes pour sa guérison.
Avec un tel esprit de solidarité envers le malade dans l'Afrique traditionnelle, aujourd'hui, la compétence en matière de politiques de santé publique peut être facilement transférée à une organisation continentale comme l'UPACEB, sans que les États en soient lésés.

  1. Les finances
En Afrique traditionnelle, s'il est une fonction relevant du bénévolat qui a fait ses preuves en matière de financement public, c'est celui de l'Usurier. Et s'il y a un dispositif communautaire qui a aidé les uns et les autres à s'enrichir sans s'endetter, c'est celui de la Tontine.
L'usurier en Afrique traditionnelle est celui qui prête aux autres bien souvent sans intérêt.
Quant à la Tontine financière, elle est une association collective d’épargne regroupant des souscripteurs qui sont les seuls à en jouir des bénéfices générés. En Afrique, ce dispositif est encore en vigueur chez les peuples Bamiléké et Bamoun au Cameroun.
Au niveau de l'Union Européenne, on peut dire que ce sont ces deux dispositifs qui sont mis en place sous une forme moderne. Ainsi, les États, selon qu'ils sont plus riches, prêtent aux États les plus pauvres à des taux très bas, comme l'Usurier en Afrique traditionnelle.
Dans d'autres cas, c'est la banque centrale qui procède à la répartition des richesses collectées par les États membres, aux mêmes États en fonctions des critères de population, de leurs besoins..etc. Au sein de l'UE, une telle politique est de mise pour éviter de trop grandes disparités économiques entre les États.
En Afrique aussi, bien évidemment, une Organisation Continentale comme l'UPACEB peut mettre en place le système d'usure sans intérêt entre les États ainsi que le système de tontine comme c'est le cas en Afrique traditionnelle.

    5) La sécurité
En Afrique traditionnelle, la sécurité des personnes et des biens est l'affaire de tous. Dans cette société traditionnelle, on peut dire sans se tromper que la morale sociale fait de chacun, responsable de la sécurité de l'autre et de tous. Pareillement, en cas de périls chez le voisin, toutes les forces locales sont coalisées pour contenir et circonscrire l'étendue des dégâts. Et donc, en matière sécuritaire, l'Afrique traditionnelle agissait dans la coalition de toutes ses forces militaires, et il était exclu de laisser le village voisin victime d'une agression aux abois, se dépêtrer tout seul.
Du coup, transférer subsidiairement des compétences en matière de sécurité par des polices de frontières communes, des armées continentales de défense du territoire à une Organisation Continentale comme l'UPACEB ne devrait même pas poser de problème.

  1. La politique étrangère et l'immigration
En Afrique, l'intrusion dans le corps social d'un nouveau membre suscite toujours la méfiance des uns et des autres qui, tout en lui offrant accueil et hospitalité veillent à ce qu'il ne transgresse aucune norme sociale en vigueur auquel cas il encourt le bannissement. Pour la prévention de tout trouble à l'ordre social, les nouveaux venus dans le groupe sont suivis à un niveau individuel mais aussi collectif car le plus important dans la société est la sauvegarde du lien social.
Une telle vigilance collective à l'égard de l'étranger peut être appliquée à un niveau continental africain, ce qui favoriserait le transfert de compétences des États en matière de politique étrangère et d'immigration, à une organisation continentale comme l'UPACEB

  1. Les politiques culturelles
En Afrique traditionnelle, les musiciens qui animent les fêtes votives, les foires, les rites...etc. sont pris entièrement en charge par la collectivité. Pareillement, les organisateurs des différentes activités récréatives au sein de la population vivent, pendant l'instant de leur production sur le compte de ladite population. Il en est de même pour les conteurs, les comédiens et de tous les acteurs qui concourent à l'essor des œuvres de l'esprit au sein de la société.
En effet, la pensée commune considère que de par leurs œuvres, ces catégories sociales contribuent à entretenir la mémoire du peuple pour lui assurer une longévité certaine.
De ce postulat, il résulte que normalement, les politiques culturelles devraient bien sûr relever de la compétence des Etats, mais qu'elles devraient partiellement incomber à la charge d'une organisation continentale comme l'UPACEB. Ce qui devrait permettre à un niveau continental, l'accord de subventions et de couvertures sociales aux artistes et à tous ceux qui œuvrent pour la la protection et la promotion des cultures africaines.
Autant d'enjeux que notre continent s'il doit s'engager dans la modernité, est appelé à relever et que l'UPACEB (Union des Peuples Africains de Civilisations Ebènes) serait le bienvenu pour encadrer.

Yéble Martine-Blanche OGA-POUPIN

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