dimanche 3 janvier 2016

LA DELICATE QUESTION DU RETOUR AUX SOURCES

    AFRIQUE AU SUD DU SAHARA
    LA DELICATE QUESTION DU RETOUR AUX SOURCES
    OU L'INTEGRATION A L'EPREUVE DU JOUG FEODAL
En Afrique au Sud du Sahara, on entend souvent dire qu'il faut retourner aux sources. Parfois dans les médias, ou alors dans les débats publics, «le Retour aux sources» est invoqué et à entendre parler les uns et les autres, on a l'impression que ce « retour aux sources » sortirait le continent et ses populations d'une certaine misère sociale. Questions : y a-t-il jamais eu abandon des sources traditionnelles africaines ? Lesquelles ? Et depuis quand ? Surtout lorsqu'on voit ce qui se passe dans les campagnes, villages et villes africains, peut-on vraiment dire que les traditions ancestrales ont été entièrement abandonnées ?
Par ailleurs, ce qui étonne, c'est que personne n'a mis un contenu dans l'expression « retour aux sources ». L'on ne précise pas vraiment dans quel domaine de la vie il convient de retourner aux sources. Est-ce dans le domaine moral ? Est-ce dans le domaine éthique ?Est-ce dans le domaine médical ? Est-ce dans le domaine économique ? Est-ce dans le domaine philosophique ? Est-ce dans le domaine politique ? En tout cas, nul ne prend le temps d'expliquer vraiment ce que le sens commun entend par cette expression de « retour de retour aux sources ».
Cependant, en général, les personnes qui parlent de « retour aux sources »évoquent essentiellement les tenues vestimentaires. Ainsi par exemple, pour eux, s'habiller en boubou ou en pagne, c'est retourner aux sources. En outre, les langues africaines sont évoquées pour dire qu'elles devraient de plus en plus être parlées et étudiées dans les écoles, et que cela serait un signe de « retour aux sources ». Disons que l'incitation à pratiquer les langues africaines et la recommandation des tenues vestimentaires sont effectivement des indices crédibles pour mesurer un « retour aux sources ». Il suffit pour cela de voir les finalités des langues, et les finalités d'une tenue vestimentaire. D'abord, concernant les langues, la langue française les appelle aussi « des moyens de communications », ou encore «des outils de communications ». Cela veut dire que pratiquer la même langue permet à un groupe de communiquer plus aisément. Mais en même temps, les langues sont des véhicules de transmission du savoir, des traditions, de la culture, des civilisations. Et donc, celles et aux ceux qui prônent le « retour aux sources » par la pratique des langues traditionnelles africaines sont dans la vérité. Ensuite, au sujet de la tenue vestimentaire, disons que premièrement, et essentiellement, une tenue vestimentaire vise à cacher la nudité. Deuxièmement, une tenue vestimentaire a une portée esthétique, en tant qu'il peut en rajouter à l'élégance, à la beauté d'un individu. Enfin, une tenue vestimentaire vise à promouvoir la mode. Or, rappelons-nous, chez les Peuples Africains de Civilisations Ébènes, le corps est un élément déterminant de l'être humain, et en tant que tel, il se met en valeur, il s'entretient, pour faciliter l'intégration sociale de l'individu. A ce titre, la tenue vestimentaire joue un rôle important dans la mise en valeur du corps humain. Donc, concevoir la tenue vestimentaire comme un critère de «retour aux sources» peut se justifier car la tenue vestimentaire est souvent liée à une civilisation et à des traditions, et les Peuples Africains de Civilisations Ébènes ont leur façon de se vêtir, de s'habiller qui correspond à leur vision du monde, à leurs civilisations. Pareillement, la portée esthétique d'une tenue vestimentaire varie d'un peuple à un autre peuple, d'une civilisation à une autre civilisation. En effet, l'esthétique est culturellement contextuelle car l'esthétique d'un peuple, n'est pas forcément l'esthétique d'un autre peuple. Et donc, l'esthétique africaine est une esthétique propre à l'Afrique. Pour cela aussi, prôner le retour aux sources par la tenue vestimentaire est logique. Mais, la société africaine du 21ème siècle n'est pas que linguistique et vestimentaire, fort heureusement !
La société africaine au 21ème siècle, elle est avant tout moderne, elle est économique, elle est politique, elle est culturelle,...etc. Cela veut dire que la société africaine comme toutes les sociétés du monde, elle évolue. Et c'est à ce niveau qu'il faut peut-être évoquer le problème d'un éventuel « retour aux sources » dont il est de plus en plus questions sous les tropiques. De quel « retour aux sources » il s'agit ? D'un « retour aux sources » qui prendrait en compte toutes les dimensions sociales des civilisations afro-ébènes, ou d'un « retour aux sources » qui se limiterait seulement à la pratique des langues africaines et à la façon de s'habiller ? Ensuite, quelle serait la forme d'un tel « ressource aux sources » ; autrement dit, serait-il question d'un « retour aux sources » absolu, global, ou alors d'un « retour aux sources » contingent, conciliant ? Enfin, y a-t-il eu jamais un abandon des sources traditionnelles en Afrique au sud du Sahara ? Si oui, pourquoi tant de différences entre les sociétés africaines et les sociétés occidentales malgré la colonisation ? Pourquoi tant de servitudes dans les sociétés africaines ? Pourquoi les sociétés africaines sont-elles aussi liberticides alors que les sociétés occidentales défendent les droits et libertés fondamentaux ?
  Ces questions valent leur pesant d'or. En effet, un « retour aux sources » de l'Afrique, selon la manière dont il sera procédé ne sera pas sans poser des difficultés à l'Afrique moderne. Et, voilà pourquoi, en lieu et place d'un retour abrupt aux sources (I), nous soutenons Aimé Césaire et ses pairs qui avaient préconisé le Métissage Culturel, c'est-à-dire, un retour aux sources conciliant (II)

I) UN «RETOUR AUX SOURCES » ABRUPT, EXCLUANT LES CIVILISATIONS D'EMPRUNT A REJETER
En Afrique au Sud du Sahara, le « retour aux sources » prôné ici et là n'est pas concevable s'il était abrupt (A) parce qu'il compromettrait les chances de progrès (B)

A) Un « retour aux sources » abrupt irréalisable

Retourner aux sources de la tradition, c'est non seulement renouer avec les vêtements (1) et les langues (2), mais encore dans le domaine moral et éthique (3), le domaine religieux (4), le domaine politique (5)....etc.

  1. L'impossibilité d'imposer une tenue vestimentaire à tous
Aujourd'hui, nous vivons dans un monde globalisé où, non seulement les canons de la beauté, les canons de l'esthétique et les canons de la mode tendent à s'uniformiser au plan international. Par exemple, au sujet des canons de la beauté, là, où, en Afrique traditionnelle, la surcharge pondérale était signe de beauté, aujourd'hui, elle est remise en question, même en médecine, où, elle serait à la base de pathologies métaboliques. Concernant les canons de la mode, tout dépend aussi du statut social de l'individu. Dans un monde moderne dominé par la bureaucratie venue du monde occidental, il existe une adéquation fonctionnelle entre les tenues vestimentaires occidentales et les professions de bureau. On ne pourra donc pas demander aux Africains de porter strictement des tenues traditionnelles, surtout s'ils sont des fonctionnaires, travaillant dans des bureaux, et si ces tenues traditionnelles en question n'étaient pas fonctionnelles pour une activité bureaucratique.
  1. La difficulté d'un retour systématique aux langues traditionnelles
Parler sa langue maternelle présente toujours des avantages parce que le langage préexiste à la pensée. Le langage structure la pensée. C'est avec les mots qu'on pense et développe les idées. Sans le langage, la pensée devient rudimentaire. Et donc, un enfant qui maîtrise bien sa langue maternelle, c'est un enfant qui développera facilement sa pensée et ses idées, mais aussi, un enfant qui aura des facilités d'apprentissage de langues étrangères. Enfin, toute langue véhicule une civilisation. Pour cela, les Africains qui naissent doivent apprendre en premier à parler leurs langues maternelles, avant d'apprendre les langues nationales.
Cependant, il existe deux obstacles :
a) les langues véhiculent toujours une civilisation
En tant que telles, un enfant qui parle plusieurs langues, c'est enfant qui a cette formidable chances d'être le moteur de plusieurs civilisations. En l'espèce, c'est grâce aux langues africaines que les civilisations africaines n'ont pas complètement disparu après avoir subi l'influence de plusieurs cultures d'emprunt. Mais, un danger guette les enfants qui parlent une langue maternelle, de surcroît une langue traditionnelle africaine : c'est l'ethnocentrisme, qui est la survalorisation de sa propre culture par rapport aux autres cultures. L'Afrique étant déjà victime de conflits ethniques exacerbés, les parents qui enseigneront leurs langues maternelles à leurs enfants devront en même temps faire de la prévention. Cela veut dire qu'ils devront enseigner à leurs enfants que le monde ne se limite pas aux seules frontières de leur village ou de leur tribu.
b) Les langues africaines ne sont pas des langues internationales
Au 21ème siècle, rares sont les langues qui ont une obédience internationale et les langues africaines, trop nombreuses, ne sont pas encore parlées à l'échelle internationale. Par exemple, à la tribune de l'ONU, on parle le français, l'anglais, l'espagnol, le portugais...etc. Les Africains qui ont eu cette chance formidable d'avoir sur leur continent, ces langues internationales, commettraient une grave erreur à ne pas les renforcer. Personnellement, mon zèle pour la Francophonie trouve ici son explication, mis à part l'émancipation d'esprit qu'offre la langue française à celles et ceux qui la parlent. Autrement dit, c'est une question de réalisme : je sais que je suis Adjoukrou, que je parle très bien ma langue maternelle le Môdjoukrou. Mais, non seulement cette langue parlée par un un groupe ethnique de Côte d'ivoire n'est pas connue de tous les Ivoiriens, mais encore, au plan international, cette langue n'est pas connue, elle n'est pas parlée à la tribune de l'ONU. C'est un honneur pour moi de la connaître et de la parler, mais tout mon intérêt réside dans la langue française qui me permet de m'exprimer à l'échelle internationale. C'est comme çà que nous Africains devons appréhender la situation de manque de langues véhiculaires issues du continent africain. Jusqu'au jour où nous en fabriquerons une à partir de toutes les langues sur notre continent, y compris de toutes nos langues véhiculaires. Ceci est possible. Nos parents déportés ont réussi à fabriquer le Créole à partir de diverses langues africaines et de leurs langues véhiculaires. Cela veut dire que nous pouvons le faire nous aussi. Il nous faut seulement la volonté.

3) Un retour aux sources impossible dans le domaine moral et éthique
Toutes les normes n'étant pas universelles, il est impossible d'envisager, au 21ème siècle, un retour aux sources des Africains dans le domaine moral et éthique. Sauf à réunir toutes les coutumes en vigueur au sein des Peuples Africains de Civilisations Ébènes, et à opérer un tri sélectif de toutes les valeurs qui unissent nos peuples, et ne sont pas contraires de nos morales nationales et des traités internationaux. Cela est possible et l'UPACEB le recommande vivement pour préserver l'Afrique et les Peuples Africains de Civilisations Ébènes des aventures intégristes, fanatiques et extrémistes.

4) Un retour aux sources dans le domaine religieux rendu impossible à cause des messes noires
Les religions africains très panthéistes sont recommandables dans un contexte de protection de l'environnement. Mais en même temps, toutes les pratiques religieuses africaines ne peuvent être prises en compte, notamment le cas des messes noires qui peuvent aller jusqu'à des sacrifices humains.

5) Un retour aux sources global inadmissible dans le domaine politique
Le système féodal, typique à l'organisation politique de la majorité des Peuples Africains de Civilisations est caduque au 21ème siècle. Sachant qu'il est à l'origine du sous-développement en Afrique au Sud du Sahara, et un cas de santé publique vu qu'il empêche l'épanouissement total des agents sociaux qu'il dévalorise (les femmes, les enfants, les pérégrins, ...etc.), sa mise à mort est fortement recommandé pour la modernisation pleine et entière du continent africain.

On le voit bien, un retour aux sources vertical, sans aucune concession avec les nombreuses cultures d'emprunt d'Afrique serait tout simplement un acte suicidaire.

B) Un « retour aux sources » sans concession ou la compromission des chances de progrès

Au 21ème siècle, prôner un retour unilatéral aux sources traditionnelles africaines, c'est compromettre toutes les chances de progrès sociaux (1) et politiques (2)

1) Une compromission des progrès sociaux imputable à « un retour aux sources » global
Quel Africain du 21ème siècle renoncerait à l'école, aux hôpitaux, à l'hygiène publique,....etc. ?
Qui en Afrique n'apprécie pas les moyens de communications comme la télévision, la télé, le téléphone, et récemment internet ?
Et quel Africain refuserait le confort de la technologie moderne symbolisés par les lits, les matelas, le climatiseur ou ventilateur, les facilités de mobilité qu'offrent les voitures, les trains, les bateaux, les avions...etc. ? Sommes-nous prêts à accepter de vivre dans le strict dénuement comme autrefois ? Et que dire des conséquences d'un tel retour aux sources ?

2) Une compromission des progrès politiques imputable à « un retour aux source » intégral
Le retour aux sources signifierait-il l'abandon de la République avec les droits de l'homme ; au profit du système féodal avec ses servitudes et ses droits féodaux ? Oh ! Non ! Merci.
Ça suffit comme çà.
Ou alors, devons-nous préférer à la démocratie, l'oligarchie et la dictature ? N'en avons-nous pas assez avec ce qui se passe déjà, en pleine république ? En pleine démocratie ?
Où, sous nos yeux, alors qu'on est supposé vivre dans des Républiques, dans des démocraties, tout est permis, avec l'exécution sans coup férir du régime de la féodalité ?
Autrement dit, quel Africain ayant lu « Économie et Société » de Max Weber, ayant compris les Idéaux-types ainsi que les types de comportements et de dominations qu'ils comportent, ainsi que l'auteur le définit clairement, est prêt à préférer à la Domination Légale Rationnelle, la Domination Traditionnelle et la Domination Charismatique ?
Y a-t-il un seul Africain prêt à se placer sous la coupe d'un chef traditionnel ou d'un chef charismatique avec le risque d’amoindrissement de ses droits et libertés fondamentaux jusqu'à l'effacement, voire la disparition de sa propre personne réduite en simple figurine ?

Aussi banal que cela puisse paraître, c'est bien ce qu'insinue l'expression « retour aux sources » prise au sens littéral. En effet, un «retour aux sources» qui serait inspiré par un esprit de rejet de tout ce qui n'est pas Africain, conduit tout simplement à retourner à une vie sans la technologie moderne qui nous facilite tant la vie, à des États de non-droit où on fait régner la terreur, où le bien public devient la propriété privée d'une personne et de son clan, et où les droits de l'homme sont réduits à quelques privilèges, des droits féodaux, en fonction des liens qui lient au chef, et en fonction des services qui lui sont rendus.
C'est pour tout cela que Aimé Césaire et ses pairs de la Négritude recommande le Métissage Culturel, c'est-à-dire, un « retour aux sources » rationnel, conciliant.

II) UN «RETOUR AUX SOURCES » CONCLILIANT, FONDE SUR UN METISSAGE CULTUREL A ENCOURAGER

Le vrai « retour aux sources » qui sera profitable aux Africains est « un retour aux sources » fait de mélanges du « capital colonial positif » et du « capital coutumier positif ». Cela veut dire que pour l'Afrique, ses stratégies sociales doivent prendre en compte ses valeurs traditionnelles et ses cultures d'emprunt (A), de même que ses affaires publiques doivent être une combinaison de ses politiques traditionnelles qui assurent la stabilités et la cohésion sociale avec les politiques modernes fondés sur le respect des valeurs républicaines (B).

A) Des stratégies sociales fédérant valeurs traditionnelles et cultures d'emprunts
Aujourd'hui, en Afrique, la seule institution d'intégration sociale qui demeure encore est la famille. Disons que si si la famille est la la plus ancienne institution d'intégration sociale, en Afrique, hélas, elle est en voie de disparition au profit de l'individualisme. Or, on le sait, en Afrique, naître dans une famille aisée est gage de réussite. Tandis que naître dans une famille démunie est synonyme d'échec. C'est en cela que les institutions sociales des cultures d'emprunt comme l'école, les hôpitaux, les orphelinats, les maisons d'accueil pour personnes âgées, les centres d'insertion sociale...etc., doivent être encouragées sur le continent. En effet, la disparition des familles traditionnelles qui sont des réseaux très étendus laissera un vide que seules les institutions sociales d'emprunt pourront combler. Les bourses d'études et les allocations sociales doivent maintenant être attribuées à toutes les familles africaines pour aider à la scolarisation effective des enfants et à une lutte efficace contre le travail des enfants. Jusque-là, dans certains pays, les paysans ne perçoivent aucune allocation familiale alors qu'en général, ils ont plusieurs enfants. Les bourses d’État sont soumises à des conditions si restrictives que tous les écoliers, collégiens, lycéens et étudiants n'en bénéficient pas. Il en est de même pour l'assurance-maladie qui n'existe pas dans plusieurs pays africains, et lorsqu'elle existe dans un pays, est réservée à une minorité telle les fonctionnaires. Alors que non seulement les fonctionnaires ont des moyens pour payer leurs frais de santé, et que leur activité ne les expose pas à des risques majeurs de maladie, ce sont eux qui bénéficient de la couverture de santé. A l'opposé, les ouvriers et les paysans qui prennent beaucoup de risques dans leurs activités professionnelles sont dépourvus d'assurance-maladie. Ce sont là, des mesures de justice sociale qui, conformément à la tradition africaine, ne doivent exclure personne. En l'espèce, le potentiel traditionnel en matière de politiques sociales devrait nourrir les politiques sociales modernes, héritées du «capital colonial positif» pour garantir leur efficacité. Le « retour aux sources » dans ces conditions se justifie pleinement. Pareillement pour la gestion des affaires publiques.

B) Des affaires publiques enracinées dans la combinaison des politiques traditionnelles de cohésion sociale et de stabilité avec le respect des valeurs républicaines

En Afrique traditionnelle, certains peuples ignorent par exemple le pouvoir héréditaire. Chez ces peuples, le chef se choisit toujours par adoubement. Et cet adoubement relève de la collectivité entière. Un tel modèle de gouvernement par le peuple et pour le peuple est favorable à la Démocratie et peut être importé dans le régime républicain. A l'opposé, au sein de plusieurs peuples africains, le pouvoir incombe toujours à une minorité qui se le transmet d'âge en âge, verrouillant toute possibilité chez d'autres personnes d'accéder au pouvoir politique. C'est là, par exemple un modèle de gouvernement à proscrire dans cette Afrique moderne qui aspire à l'unité. Et pourtant, par le processus d'élitisation en politique, ce modèle de gouvernement du peuple par une minorité inspire bon nombre de Partis politiques africains, qui pratiquent pour ainsi dire, « la loi d'airain de l'oligarchie ».
Dans le domaine politique toujours, la question du mandat présidentiel est sujette à controverses en Afrique. En effet, de nombreux Africains déplorent le fait que certains de leurs dirigeants s'éternisent au pouvoir. Et, il est vrai que le changement régulier de dirigeants à la tête d'un pays est un signe démocratie. Mais à voir de près, le problème de l'Afrique est à trouver dans l'action des dirigeants politiques. Autrefois, l'on ne changeait pas régulièrement les chefs coutumiers. Car ce qui comptait, c'est ce que faisait le chef à la tête d'une communauté. Le Chef Africain dans la tradition était le chef de toute la communauté au sens noble du terme. Il ne pratiquait pas la discrimination. Un tel exemple doit inspirer les gouvernants modernes en Afrique. Cela veut dire qu'un dirigeant politique qui a bénéficié du suffrage universel, mais qui pratique la discrimination dans ses politiques publiques en développant les seules régions de ses électeurs qu'il dote d'infrastructures, délaissant les régions qui ne votent pas pour lui, favorise le tribalisme, accorde des privilèges à ses coreligionnaires...etc., n'est pas légitime à gouverner au sens traditionnel africain, comme au sens moderne. De même, un dirigeant politique qui se préoccupe de son enrichissement personnel plutôt que du bien-être de son peuple n'est pas crédible au sens traditionnel comme au sens moderne. Un tel dirigeant politique n'a pas vocation à diriger un pays. Mais, le dirigeant politique qui est en bonne santé, possède toutes ses facultés mentales, pratique la justice sociale, adopte des politiques publiques qui offrent l'emploi au peuple, en garantissant l'intérêt général, respecte les droits de l'homme, non seulement il est en phase avec la tradition africaine, mais encore il s'inscrit dans la logique républicaine.
En signe de rappel, ci-dessus, nous avons évoqué les Idéaux-types de Max Weber, un sociologue Allemand du 19ème siècle. Il est intéressant de revenir sur ce concept Weberien, pour livrer quelques analyses en rapport avec l'Afrique et ses dirigeants politiques. En effet, en Afrique, nos dirigeants sont censés être élus juridiquement à la tête d'une république, qui a son propre régime en ce qui concerne son organisation et son fonctionnement. Mais, dans les faits, nombreux de nos dirigeants Africains font application du régime féodal dans leur gestion de la nation. Cela veut dire qu'ils sont appelés à diriger les pays dans la modernité, mais ils préfèrent les diriger avec les données traditionnelles. Les citoyens africains, s'ils étaient instruits et informés, et surtout s'ils étaient unis autour d'idéaux communs, l’État, la Nation, le Pays, la république, la Constitution auraient décrié ce détournement de pouvoir à l'unisson pour faire changer la situation. Mais, les citoyens Africains sont non seulement divisés, tantôt selon la religion, tantôt selon la tribu mais encore, ils sont frappés d'ignorance. Par conséquent, ils donnent quitus sans le savoir, à ces dirigeants hors la loi, par le soutien qu'ils leur donnent au nom de la même appartenance à un Parti Politique, à une religion, à une région...etc. C'est toujours cette ignorance du peuple qui convainc nombreux de nos dirigeants à cumuler des mandats hors-normes, en battant le record de longévité au pouvoir pour plusieurs d'entre eux. Mais, cette attitude complice des peuples africains n'est pas imputable qu'à l'ignorance. Elle trouve sa justification dans le respect de la tradition. En effet, dans la tradition africaine, on ne remet pas en question le chef. On ne contredit pas le chef. On doit soumission au chef. C'est en cela que Max Weber nous est utile pour comprendre ce type de comportement qui paraît très inadapté au contexte moderne. En effet, pour Max Weber, les trois Idéaux-types qu'il conçoit obéissent non seulement à des comportements typiques, mais encore, ils correspondent à différents types de domination.
Pour tout dire, si les peuples africains vénèrent ainsi le chef, c'est parce que, conformément aux Idéaux-types Weberiens, le dirigeant qu'on recherche en Afrique, correspond toujours aux critères traditionnels et charismatiques. Ainsi, au travers des Idéaux-types Weberiens, le Sociologue Allemand définit trois types de domination qu'il nomme la Domination Traditionnelle, la Domination Charismatique, et la Domination Légale-Rationnelle. Et, selon Max Weber, dans le cadre de la Domination Traditionnelle, les peuples ne recherchent pas la nouveauté. Ils s’accommodent bien de leurs anciens dirigeants, qui pour eux, sont incontournables. Une page Wikipédia citant Max Weber le précise bien : « Cette forme de domination repose sur la croyance coutumière et quotidienne en la sainteté des traditions valables en tout temps et sur la croyance en la légitimité de ceux qui sont appelés à exercer la domination par ces moyens. Trois caractéristiques en découlent :
  • ancienneté : la tradition existe depuis très longtemps
  • habitude : les individus veulent et sont habitués à respecter la tradition
héritage : le titulaire du pouvoir est issu d'une lignée liée à l'exercice du pouvoir »1

Ajoutons que pour ce qui concerne la Domination Charismatique, le peuple fait confiance à son leader charismatique. La page Wikipédia qui cite Max Weber poursuit en ce qui concerne la Domination Charismatique : « Cette forme de domination repose sur la soumission au caractère exceptionnel, sacré, à la vertu héroïque ou à la valeur exemplaire de la personne qui exerce le pouvoir. Trois caractéristiques y sont associées :
  • l'obéissance en la personne du chef et non aux règles
  • des conditions particulières d'arrivée au pouvoir (exemples : coup d'État, guerre…) 
l'instabilité : le chef doit constamment trouver un moyen de mettre en avant ses qualités (exemples : victoires militaires, plébiscites…) et lorsqu'il n'y parvient pas, c'est la chute du régime ».2

A l'opposé de ces deux types de dominations qu'affectionnent apparemment les Africains, il y a la Domination Légale-rationnelle qu'ont adopté la majorité des pays modernes et qui est défini comme suit : « Ce type de domination repose sur la croyance en la légitimité des règles légales adoptées et du droit de donner des directives qu'ont ceux qui exercent la domination par ces moyens.
Quatre caractéristiques sont à rattacher à cette forme de domination :
  • les règles sont adoptées rationnellement (c'est-à-dire qu'elles sont approuvées par le peuple ou ses représentants selon une procédure fixe et déterminée)
  • les règles sont formulées de façon abstraite et impersonnelle
  • le détenteur du pouvoir est lui aussi soumis au droit (principe de l'État de droit)
  • les gouvernés obéissent aux règles qui organisent la fonction de détenteur du pouvoir et non à la personne du détenteur du pouvoir. »3
De ce qui précède, nous constatons qu'en Afrique, nous sommes censés être sous la Domination Légale-rationnelle et pourtant, dans les faits, tout laisse voir que c'est sous la Domination Traditionnelle, et la Domination Charismatique que nos pays sont gouvernés. Si tel n'était pas le cas, déjà, on devait par exemple renoncer à positionner des dauphins car tout cela aggrave la fracture sociale et porte atteinte à la démocratie. Ce qui revient à dire que renoncer aux « dauphins » pour les successions, c'est promouvoir l'égalité des chances pour tous les citoyens en laissant la souveraineté au peuple pour désigner son représentant. Cela veut dire aussi qu'un élu quelconque qui a fini son mandat doit se retirer sans laisser de consigne et s'il avait un candidat, qu'il ne cherche pas à l'imposer au peuple, car le pouvoir d'état n'est pas un héritage personnel, familial, à transmettre à ses enfants, ses proches parents ou ses amis !
La Domination Légale-Rationnelle implique aussi que chaque citoyen puisse être électeur et éligible sauf s'il est privé de ses droits civiques pour incapacité, ou pour infractions à la loi. Tous ceux qui ne sont pas frappés d'incapacité, et qui ne sont pas sous le coup de privations de leurs droits civiques devraient pleinement être candidats à l'élection présidentielle dans leur pays dès lors qu'ils prouvent leur citoyenneté. Peu importe qu'ils résident dans le pays. Car les conditions de résidence ne sont pas une garantie de compétence et de performance.
De ce qui précède, chacun de nous peut réaliser que selon les pays africains, et en fonction du niveau dé Démocratie qui y prévaut, l'on n'est pas toujours sous la Domination Légale Rationnelle. Au contraire, nous sommes en grande partie sous la Domination Traditionnelle et sous la Domination Charismatique. Parfois, parce que le peuple y est contraint par une dictature sanglante et répressive, parfois à cause de l'ignorance. En effet, en Afrique Traditionnelle, seuls les Chefs qui offrent de loyaux services au peuple sont incontestables. Seuls les chefs qui respectent les les coutumes, protègent les populations, les aiment et les respectent ne sont pas remis en cause. Quant aux sanguinaires, à ceux qui ne respectent pas l'intérêt général, mettent la vie du peuple en danger par des comportements liberticides et un bellicisme débridé, ils sont capturés par le peuple, destitués, bannis du peuples, et contraints à l'exil. Cela pour dire que le respect de la tradition ne donne pas quand même droit à tout au chef en Afrique. Surtout pas le droit de vie et de mort sur le peuple. Par ailleurs, il n'existe pas de règne à vie pour le chef en Afrique contrairement à certaines idées reçues. Au contraire, le chefferie traditionnelle africaine est conditionnée par la contingence. Ces rappels sont utiles car très souvent, l'interprétation erronée des traditions africaines entraînent un grand désordre social dans cette Afrique moderne à la recherche de ses repères.

On le voit bien, la question du « retour aux sources » si récurrente en Afrique n'est pas si évidente que çà. Pour cela, nous dirons : oui à un « retour aux sources », mais d'abord, à un « retour aux sources » rationalisé, et non à « un retour aux sources » sans ménagement.
Cela fait partie des combats de l'UPACEB.

Yéble Martine-Blanche OGA épouse POUPIN



1In Wikipédia
2Wikipédia Op cit

3Wikipédia Op cit

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