AFRIQUE
AU SUD DU SAHARA
LA
DELICATE QUESTION DU RETOUR AUX SOURCES
OU
L'INTEGRATION A L'EPREUVE DU JOUG FEODAL
En
Afrique au Sud du Sahara, on entend souvent dire qu'il faut retourner
aux sources. Parfois dans les médias, ou alors dans les débats
publics, «le Retour aux sources» est invoqué et à entendre parler
les uns et les autres, on a l'impression que ce « retour aux
sources » sortirait le continent et ses populations d'une
certaine misère sociale. Questions : y a-t-il jamais eu abandon
des sources traditionnelles africaines ? Lesquelles ? Et
depuis quand ? Surtout lorsqu'on voit ce qui se passe dans les
campagnes, villages et villes africains, peut-on vraiment dire que
les traditions ancestrales ont été entièrement abandonnées ?
Par
ailleurs, ce qui étonne, c'est que personne n'a mis un contenu dans
l'expression « retour aux sources ». L'on ne précise pas
vraiment dans quel domaine de la vie il convient de retourner aux
sources. Est-ce dans le domaine moral ? Est-ce dans le domaine
éthique ?Est-ce dans le domaine médical ? Est-ce dans le
domaine économique ? Est-ce dans le domaine philosophique ?
Est-ce dans le domaine politique ? En tout cas, nul ne prend le
temps d'expliquer vraiment ce que le sens commun entend par cette
expression de « retour de retour aux sources ».
Cependant,
en général, les personnes qui parlent de « retour aux
sources Ȏvoquent essentiellement les tenues vestimentaires.
Ainsi par exemple, pour eux, s'habiller en boubou ou en pagne, c'est
retourner aux sources. En outre, les langues africaines sont évoquées
pour dire qu'elles devraient de plus en plus être parlées et
étudiées dans les écoles, et que cela serait un signe de « retour
aux sources ». Disons que l'incitation à pratiquer les langues
africaines et la recommandation des tenues vestimentaires sont
effectivement des indices crédibles pour mesurer un « retour
aux sources ». Il suffit pour cela de voir les finalités des
langues, et les finalités d'une tenue vestimentaire. D'abord,
concernant les langues, la langue française les appelle aussi « des
moyens de communications », ou encore «des outils de
communications ». Cela veut dire que pratiquer la même langue
permet à un groupe de communiquer plus aisément. Mais en même
temps, les langues sont des véhicules de transmission du savoir, des
traditions, de la culture, des civilisations. Et donc, celles et aux
ceux qui prônent le « retour aux sources » par la
pratique des langues traditionnelles africaines sont dans la vérité.
Ensuite, au sujet de la tenue vestimentaire, disons que premièrement,
et essentiellement, une tenue vestimentaire vise à cacher la nudité.
Deuxièmement, une tenue vestimentaire a une portée esthétique, en
tant qu'il peut en rajouter à l'élégance, à la beauté d'un
individu. Enfin, une tenue vestimentaire vise à promouvoir la mode.
Or, rappelons-nous, chez les Peuples Africains de Civilisations
Ébènes, le corps est un élément déterminant de l'être humain,
et en tant que tel, il se met en valeur, il s'entretient, pour
faciliter l'intégration sociale de l'individu. A ce titre, la tenue
vestimentaire joue un rôle important dans la mise en valeur du corps
humain. Donc, concevoir la tenue vestimentaire comme un critère de
«retour aux sources» peut se justifier car la tenue vestimentaire
est souvent liée à une civilisation et à des traditions, et les
Peuples Africains de Civilisations Ébènes ont leur façon de se
vêtir, de s'habiller qui correspond à leur vision du monde, à
leurs civilisations. Pareillement, la portée esthétique d'une tenue
vestimentaire varie d'un peuple à un autre peuple, d'une
civilisation à une autre civilisation. En effet, l'esthétique est
culturellement contextuelle car l'esthétique d'un peuple, n'est pas
forcément l'esthétique d'un autre peuple. Et donc, l'esthétique
africaine est une esthétique propre à l'Afrique. Pour cela aussi,
prôner le retour aux sources par la tenue vestimentaire est logique.
Mais, la société africaine du 21ème siècle n'est pas que
linguistique et vestimentaire, fort heureusement !
La
société africaine au 21ème siècle, elle est avant tout moderne,
elle est économique, elle est politique, elle est culturelle,...etc.
Cela veut dire que la société africaine comme toutes les sociétés
du monde, elle évolue. Et c'est à ce niveau qu'il faut peut-être
évoquer le problème d'un éventuel « retour aux sources »
dont il est de plus en plus questions sous les tropiques. De quel
« retour aux sources » il s'agit ? D'un « retour
aux sources » qui prendrait en compte toutes les dimensions
sociales des civilisations afro-ébènes, ou d'un « retour aux
sources » qui se limiterait seulement à la pratique des
langues africaines et à la façon de s'habiller ? Ensuite,
quelle serait la forme d'un tel « ressource aux sources » ;
autrement dit, serait-il question d'un « retour aux sources »
absolu, global, ou alors d'un « retour aux sources »
contingent, conciliant ? Enfin, y a-t-il eu jamais un abandon
des sources traditionnelles en Afrique au sud du Sahara ? Si
oui, pourquoi tant de différences entre les sociétés africaines et
les sociétés occidentales malgré la colonisation ? Pourquoi
tant de servitudes dans les sociétés africaines ? Pourquoi les
sociétés africaines sont-elles aussi liberticides alors que les
sociétés occidentales défendent les droits et libertés
fondamentaux ?
Ces
questions valent leur pesant d'or. En effet, un « retour aux
sources » de l'Afrique, selon la manière dont il sera procédé
ne sera pas sans poser des difficultés à l'Afrique moderne. Et,
voilà pourquoi, en lieu et place d'un retour abrupt aux sources (I),
nous soutenons Aimé Césaire et ses pairs qui avaient préconisé le
Métissage Culturel, c'est-à-dire, un retour aux sources conciliant
(II)
I)
UN «RETOUR AUX SOURCES » ABRUPT, EXCLUANT LES CIVILISATIONS
D'EMPRUNT A REJETER
En
Afrique au Sud du Sahara, le « retour aux sources » prôné
ici et là n'est pas concevable s'il était abrupt (A) parce qu'il
compromettrait les chances de progrès (B)
A)
Un « retour aux sources » abrupt irréalisable
Retourner
aux sources de la tradition, c'est non seulement renouer avec les
vêtements (1) et les langues (2), mais encore dans le domaine moral
et éthique (3), le domaine religieux (4), le domaine politique
(5)....etc.
- L'impossibilité d'imposer une tenue vestimentaire à tous
Aujourd'hui,
nous vivons dans un monde globalisé où, non seulement les canons de
la beauté, les canons de l'esthétique et les canons de la mode
tendent à s'uniformiser au plan international. Par exemple, au sujet
des canons de la beauté, là, où, en Afrique traditionnelle, la
surcharge pondérale était signe de beauté, aujourd'hui, elle est
remise en question, même en médecine, où, elle serait à la base
de pathologies métaboliques. Concernant les canons de la mode, tout
dépend aussi du statut social de l'individu. Dans un monde moderne
dominé par la bureaucratie venue du monde occidental, il existe une
adéquation fonctionnelle entre les tenues vestimentaires
occidentales et les professions de bureau. On ne pourra donc pas
demander aux Africains de porter strictement des tenues
traditionnelles, surtout s'ils sont des fonctionnaires, travaillant
dans des bureaux, et si ces tenues traditionnelles en question
n'étaient pas fonctionnelles pour une activité bureaucratique.
- La difficulté d'un retour systématique aux langues traditionnelles
Parler
sa langue maternelle présente toujours des avantages parce que le
langage préexiste à la pensée. Le langage structure la pensée.
C'est avec les mots qu'on pense et développe les idées. Sans le
langage, la pensée devient rudimentaire. Et donc, un enfant qui
maîtrise bien sa langue maternelle, c'est un enfant qui développera
facilement sa pensée et ses idées, mais aussi, un enfant qui aura
des facilités d'apprentissage de langues étrangères. Enfin, toute
langue véhicule une civilisation. Pour cela, les Africains qui
naissent doivent apprendre en premier à parler leurs langues
maternelles, avant d'apprendre les langues nationales.
Cependant,
il existe deux obstacles :
a)
les langues véhiculent toujours une civilisation
En
tant que telles, un enfant qui parle plusieurs langues, c'est enfant
qui a cette formidable chances d'être le moteur de plusieurs
civilisations. En l'espèce, c'est grâce aux langues africaines que
les civilisations africaines n'ont pas complètement disparu après
avoir subi l'influence de plusieurs cultures d'emprunt. Mais, un
danger guette les enfants qui parlent une langue maternelle, de
surcroît une langue traditionnelle africaine : c'est
l'ethnocentrisme, qui est la survalorisation de sa propre culture par
rapport aux autres cultures. L'Afrique étant déjà victime de
conflits ethniques exacerbés, les parents qui enseigneront leurs
langues maternelles à leurs enfants devront en même temps faire de
la prévention. Cela veut dire qu'ils devront enseigner à leurs
enfants que le monde ne se limite pas aux seules frontières de leur
village ou de leur tribu.
b)
Les langues africaines ne sont pas des langues internationales
Au
21ème siècle, rares sont les langues qui ont une obédience
internationale et les langues africaines, trop nombreuses, ne sont
pas encore parlées à l'échelle internationale. Par exemple, à la
tribune de l'ONU, on parle le français, l'anglais, l'espagnol, le
portugais...etc. Les Africains qui ont eu cette chance formidable
d'avoir sur leur continent, ces langues internationales,
commettraient une grave erreur à ne pas les renforcer.
Personnellement, mon zèle pour la Francophonie trouve ici son
explication, mis à part l'émancipation d'esprit qu'offre la langue
française à celles et ceux qui la parlent. Autrement dit, c'est une
question de réalisme : je sais que je suis Adjoukrou, que je
parle très bien ma langue maternelle le Môdjoukrou. Mais, non
seulement cette langue parlée par un un groupe ethnique de Côte
d'ivoire n'est pas connue de tous les Ivoiriens, mais encore, au plan
international, cette langue n'est pas connue, elle n'est pas parlée
à la tribune de l'ONU. C'est un honneur pour moi de la connaître et
de la parler, mais tout mon intérêt réside dans la langue
française qui me permet de m'exprimer à l'échelle internationale.
C'est comme çà que nous Africains devons appréhender la situation
de manque de langues véhiculaires issues du continent africain.
Jusqu'au jour où nous en fabriquerons une à partir de toutes les
langues sur notre continent, y compris de toutes nos langues
véhiculaires. Ceci est possible. Nos parents déportés ont réussi
à fabriquer le Créole à partir de diverses langues africaines et
de leurs langues véhiculaires. Cela veut dire que nous pouvons le
faire nous aussi. Il nous faut seulement la volonté.
3)
Un retour aux sources impossible dans le domaine moral et éthique
Toutes
les normes n'étant pas universelles, il est impossible d'envisager,
au 21ème siècle, un retour aux sources des Africains dans le
domaine moral et éthique. Sauf à réunir toutes les coutumes en
vigueur au sein des Peuples Africains de Civilisations Ébènes, et à
opérer un tri sélectif de toutes les valeurs qui unissent nos
peuples, et ne sont pas contraires de nos morales nationales et des
traités internationaux. Cela est possible et l'UPACEB le recommande
vivement pour préserver l'Afrique et les Peuples Africains de
Civilisations Ébènes des aventures intégristes, fanatiques et
extrémistes.
4)
Un retour aux sources dans le domaine religieux rendu impossible à
cause des messes noires
Les
religions africains très panthéistes sont recommandables dans un
contexte de protection de l'environnement. Mais en même temps,
toutes les pratiques religieuses africaines ne peuvent être prises
en compte, notamment le cas des messes noires qui peuvent aller
jusqu'à des sacrifices humains.
5)
Un retour aux sources global inadmissible dans le domaine politique
Le
système féodal, typique à l'organisation politique de la majorité
des Peuples Africains de Civilisations est caduque au 21ème siècle.
Sachant qu'il est à l'origine du sous-développement en Afrique au
Sud du Sahara, et un cas de santé publique vu qu'il empêche
l'épanouissement total des agents sociaux qu'il dévalorise (les
femmes, les enfants, les pérégrins, ...etc.), sa mise à mort est
fortement recommandé pour la modernisation pleine et entière du
continent africain.
On
le voit bien, un retour aux sources vertical, sans aucune concession
avec les nombreuses cultures d'emprunt d'Afrique serait tout
simplement un acte suicidaire.
B)
Un « retour aux sources » sans concession ou la
compromission des chances de progrès
Au
21ème siècle, prôner un retour unilatéral aux sources
traditionnelles africaines, c'est compromettre toutes les chances de
progrès sociaux (1) et politiques (2)
1)
Une compromission des progrès sociaux imputable à « un retour
aux sources » global
Quel
Africain du 21ème siècle renoncerait à l'école, aux hôpitaux, à
l'hygiène publique,....etc. ?
Qui
en Afrique n'apprécie pas les moyens de communications comme la
télévision, la télé, le téléphone, et récemment internet ?
Et
quel Africain refuserait le confort de la technologie moderne
symbolisés par les lits, les matelas, le climatiseur ou ventilateur,
les facilités de mobilité qu'offrent les voitures, les trains, les
bateaux, les avions...etc. ? Sommes-nous prêts à accepter de
vivre dans le strict dénuement comme autrefois ? Et que dire
des conséquences d'un tel retour aux sources ?
2)
Une compromission des progrès politiques imputable à « un
retour aux source » intégral
Le
retour aux sources signifierait-il l'abandon de la République avec
les droits de l'homme ; au profit du système féodal avec ses
servitudes et ses droits féodaux ? Oh ! Non ! Merci.
Ça
suffit comme çà.
Ou
alors, devons-nous préférer à la démocratie, l'oligarchie et la
dictature ? N'en avons-nous pas assez avec ce qui se passe déjà,
en pleine république ? En pleine démocratie ?
Où,
sous nos yeux, alors qu'on est supposé vivre dans des Républiques,
dans des démocraties, tout est permis, avec l'exécution sans coup
férir du régime de la féodalité ?
Autrement
dit, quel Africain ayant lu « Économie et Société » de
Max Weber, ayant compris les Idéaux-types ainsi que les types de
comportements et de dominations qu'ils comportent, ainsi que l'auteur
le définit clairement, est prêt à préférer à la Domination
Légale Rationnelle, la Domination Traditionnelle et la Domination
Charismatique ?
Y
a-t-il un seul Africain prêt à se placer sous la coupe d'un chef
traditionnel ou d'un chef charismatique avec le risque
d’amoindrissement de ses droits et libertés fondamentaux jusqu'à
l'effacement, voire la disparition de sa propre personne réduite en
simple figurine ?
Aussi
banal que cela puisse paraître, c'est bien ce qu'insinue
l'expression « retour aux sources » prise au sens
littéral. En effet, un «retour aux sources» qui serait inspiré
par un esprit de rejet de tout ce qui n'est pas Africain, conduit
tout simplement à retourner à une vie sans la technologie moderne
qui nous facilite tant la vie, à des États de non-droit où on fait
régner la terreur, où le bien public devient la propriété privée
d'une personne et de son clan, et où les droits de l'homme sont
réduits à quelques privilèges, des droits féodaux, en fonction
des liens qui lient au chef, et en fonction des services qui lui
sont rendus.
C'est
pour tout cela que Aimé Césaire et ses pairs de la Négritude
recommande le Métissage Culturel, c'est-à-dire, un « retour
aux sources » rationnel, conciliant.
II)
UN «RETOUR AUX SOURCES » CONCLILIANT, FONDE SUR UN METISSAGE
CULTUREL A ENCOURAGER
Le
vrai « retour aux sources » qui sera profitable aux
Africains est « un retour aux sources » fait de mélanges
du « capital colonial positif » et du « capital
coutumier positif ». Cela veut dire que pour l'Afrique, ses
stratégies sociales doivent prendre en compte ses valeurs
traditionnelles et ses cultures d'emprunt (A), de même que ses
affaires publiques doivent être une combinaison de ses politiques
traditionnelles qui assurent la stabilités et la cohésion sociale
avec les politiques modernes fondés sur le respect des valeurs
républicaines (B).
A)
Des stratégies sociales fédérant valeurs traditionnelles et
cultures d'emprunts
Aujourd'hui,
en Afrique, la seule institution d'intégration sociale qui demeure
encore est la famille. Disons que si si la famille est la la plus
ancienne institution d'intégration sociale, en Afrique, hélas, elle
est en voie de disparition au profit de l'individualisme. Or, on le
sait, en Afrique, naître dans une famille aisée est gage de
réussite. Tandis que naître dans une famille démunie est synonyme
d'échec. C'est en cela que les institutions sociales des cultures
d'emprunt comme l'école, les hôpitaux, les orphelinats, les maisons
d'accueil pour personnes âgées, les centres d'insertion
sociale...etc., doivent être encouragées sur le continent. En
effet, la disparition des familles traditionnelles qui sont des
réseaux très étendus laissera un vide que seules les institutions
sociales d'emprunt pourront combler. Les bourses d'études et les
allocations sociales doivent maintenant être attribuées à toutes
les familles africaines pour aider à la scolarisation effective des
enfants et à une lutte efficace contre le travail des enfants.
Jusque-là, dans certains pays, les paysans ne perçoivent aucune
allocation familiale alors qu'en général, ils ont plusieurs
enfants. Les bourses d’État sont soumises à des conditions si
restrictives que tous les écoliers, collégiens, lycéens et
étudiants n'en bénéficient pas. Il en est de même pour
l'assurance-maladie qui n'existe pas dans plusieurs pays africains,
et lorsqu'elle existe dans un pays, est réservée à une minorité
telle les fonctionnaires. Alors que non seulement les fonctionnaires
ont des moyens pour payer leurs frais de santé, et que leur activité
ne les expose pas à des risques majeurs de maladie, ce sont eux qui
bénéficient de la couverture de santé. A l'opposé, les ouvriers
et les paysans qui prennent beaucoup de risques dans leurs activités
professionnelles sont dépourvus d'assurance-maladie. Ce sont là,
des mesures de justice sociale qui, conformément à la tradition
africaine, ne doivent exclure personne. En l'espèce, le potentiel
traditionnel en matière de politiques sociales devrait nourrir les
politiques sociales modernes, héritées du «capital colonial
positif» pour garantir leur efficacité. Le « retour aux
sources » dans ces conditions se justifie pleinement.
Pareillement pour la gestion des affaires publiques.
B)
Des affaires publiques enracinées dans la combinaison des politiques
traditionnelles de cohésion sociale et de stabilité avec le
respect des valeurs républicaines
En
Afrique traditionnelle, certains peuples ignorent par exemple le
pouvoir héréditaire. Chez ces peuples, le chef se choisit toujours
par adoubement. Et cet adoubement relève de la collectivité
entière. Un tel modèle de gouvernement par le peuple et pour le
peuple est favorable à la Démocratie et peut être importé dans le
régime républicain. A l'opposé, au sein de plusieurs peuples
africains, le pouvoir incombe toujours à une minorité qui se le
transmet d'âge en âge, verrouillant toute possibilité chez
d'autres personnes d'accéder au pouvoir politique. C'est là, par
exemple un modèle de gouvernement à proscrire dans cette Afrique
moderne qui aspire à l'unité. Et pourtant, par le processus
d'élitisation en politique, ce modèle de gouvernement du peuple par
une minorité inspire bon nombre de Partis politiques africains, qui
pratiquent pour ainsi dire, « la loi d'airain de
l'oligarchie ».
Dans
le domaine politique toujours, la question du mandat présidentiel
est sujette à controverses en Afrique. En effet, de nombreux
Africains déplorent le fait que certains de leurs dirigeants
s'éternisent au pouvoir. Et, il est vrai que le changement régulier
de dirigeants à la tête d'un pays est un signe démocratie. Mais à
voir de près, le problème de l'Afrique est à trouver dans l'action
des dirigeants politiques. Autrefois, l'on ne changeait pas
régulièrement les chefs coutumiers. Car ce qui comptait, c'est ce
que faisait le chef à la tête d'une communauté. Le Chef Africain
dans la tradition était le chef de toute la communauté au sens
noble du terme. Il ne pratiquait pas la discrimination. Un tel
exemple doit inspirer les gouvernants modernes en Afrique. Cela veut
dire qu'un dirigeant politique qui a bénéficié du suffrage
universel, mais qui pratique la discrimination dans ses politiques
publiques en développant les seules régions de ses électeurs
qu'il dote d'infrastructures, délaissant les régions qui ne votent
pas pour lui, favorise le tribalisme, accorde des privilèges à ses
coreligionnaires...etc., n'est pas légitime à gouverner au sens
traditionnel africain, comme au sens moderne. De même, un dirigeant
politique qui se préoccupe de son enrichissement personnel plutôt
que du bien-être de son peuple n'est pas crédible au sens
traditionnel comme au sens moderne. Un tel dirigeant politique n'a
pas vocation à diriger un pays. Mais, le dirigeant politique qui est
en bonne santé, possède toutes ses facultés mentales, pratique la
justice sociale, adopte des politiques publiques qui offrent l'emploi
au peuple, en garantissant l'intérêt général, respecte les droits
de l'homme, non seulement il est en phase avec la tradition
africaine, mais encore il s'inscrit dans la logique républicaine.
En
signe de rappel, ci-dessus, nous avons évoqué les Idéaux-types de
Max Weber, un sociologue Allemand du 19ème siècle. Il est
intéressant de revenir sur ce concept Weberien, pour livrer quelques
analyses en rapport avec l'Afrique et ses dirigeants politiques. En
effet, en Afrique, nos dirigeants sont censés être élus
juridiquement à la tête d'une république, qui a son propre régime
en ce qui concerne son organisation et son fonctionnement. Mais, dans
les faits, nombreux de nos dirigeants Africains font application du
régime féodal dans leur gestion de la nation. Cela veut dire qu'ils
sont appelés à diriger les pays dans la modernité, mais ils
préfèrent les diriger avec les données traditionnelles. Les
citoyens africains, s'ils étaient instruits et informés, et surtout
s'ils étaient unis autour d'idéaux communs, l’État, la Nation,
le Pays, la république, la Constitution auraient décrié ce
détournement de pouvoir à l'unisson pour faire changer la
situation. Mais, les citoyens Africains sont non seulement divisés,
tantôt selon la religion, tantôt selon la tribu mais encore, ils
sont frappés d'ignorance. Par conséquent, ils donnent quitus sans
le savoir, à ces dirigeants hors la loi, par le soutien qu'ils leur
donnent au nom de la même appartenance à un Parti Politique, à une
religion, à une région...etc. C'est toujours cette ignorance du
peuple qui convainc nombreux de nos dirigeants à cumuler des mandats
hors-normes, en battant le record de longévité au pouvoir pour
plusieurs d'entre eux. Mais, cette attitude complice des peuples
africains n'est pas imputable qu'à l'ignorance. Elle trouve sa
justification dans le respect de la tradition. En effet, dans la
tradition africaine, on ne remet pas en question le chef. On ne
contredit pas le chef. On doit soumission au chef. C'est en cela que
Max Weber nous est utile pour comprendre ce type de comportement qui
paraît très inadapté au contexte moderne. En effet, pour Max
Weber, les trois Idéaux-types qu'il conçoit obéissent non
seulement à des comportements typiques, mais encore, ils
correspondent à différents types de domination.
Pour
tout dire, si les peuples africains vénèrent ainsi le chef, c'est
parce que, conformément aux Idéaux-types Weberiens, le dirigeant
qu'on recherche en Afrique, correspond toujours aux critères
traditionnels et charismatiques. Ainsi, au travers des Idéaux-types
Weberiens, le Sociologue Allemand définit trois types de domination
qu'il nomme la Domination Traditionnelle, la Domination
Charismatique, et la Domination Légale-Rationnelle. Et, selon Max
Weber, dans le cadre de la Domination Traditionnelle, les peuples ne
recherchent pas la nouveauté. Ils s’accommodent bien de leurs
anciens dirigeants, qui pour eux, sont incontournables. Une page
Wikipédia citant Max Weber le précise bien : « Cette
forme de domination repose sur la croyance coutumière et quotidienne
en la sainteté des traditions valables en tout temps et sur la
croyance en la légitimité de ceux qui sont appelés à exercer la
domination par ces moyens. Trois caractéristiques en découlent :
- ancienneté : la tradition existe depuis très longtemps
- habitude : les individus veulent et sont habitués à respecter la tradition
héritage :
le titulaire du pouvoir est issu d'une lignée liée à l'exercice du
pouvoir »1
Ajoutons
que pour ce qui concerne la Domination Charismatique, le peuple fait
confiance à son leader charismatique. La page Wikipédia qui cite
Max Weber poursuit en ce qui concerne la Domination
Charismatique : « Cette forme de domination repose
sur la soumission au caractère exceptionnel, sacré, à la vertu
héroïque ou à la valeur exemplaire de la personne qui exerce le
pouvoir. Trois caractéristiques y sont associées :
- l'obéissance en la personne du chef et non aux règles
- des conditions particulières d'arrivée au pouvoir (exemples : coup d'État, guerre…)
l'instabilité :
le chef doit constamment trouver un moyen de mettre en avant ses
qualités (exemples : victoires militaires, plébiscites…) et
lorsqu'il n'y parvient pas, c'est la chute du régime ».2
A
l'opposé de ces deux types de dominations qu'affectionnent
apparemment les Africains, il y a la Domination Légale-rationnelle
qu'ont adopté la majorité des pays modernes et qui est défini
comme suit : « Ce type de domination repose
sur la croyance en la légitimité des règles légales adoptées et
du droit de donner des directives qu'ont ceux qui exercent la
domination par ces moyens.
Quatre caractéristiques sont à rattacher à cette forme de domination :
Quatre caractéristiques sont à rattacher à cette forme de domination :
- les règles sont adoptées rationnellement (c'est-à-dire qu'elles sont approuvées par le peuple ou ses représentants selon une procédure fixe et déterminée)
- les règles sont formulées de façon abstraite et impersonnelle
- le détenteur du pouvoir est lui aussi soumis au droit (principe de l'État de droit)
- les gouvernés obéissent aux règles qui organisent la fonction de détenteur du pouvoir et non à la personne du détenteur du pouvoir. »3
De
ce qui précède, nous constatons qu'en Afrique, nous sommes censés
être sous la Domination Légale-rationnelle et pourtant, dans les
faits, tout laisse voir que c'est sous la Domination Traditionnelle,
et la Domination Charismatique que nos pays sont gouvernés. Si tel
n'était pas le cas, déjà, on devait par exemple renoncer à
positionner des dauphins car tout cela aggrave la fracture sociale et
porte atteinte à la démocratie. Ce qui revient à dire que renoncer
aux « dauphins » pour les successions, c'est promouvoir
l'égalité des chances pour tous les citoyens en laissant la
souveraineté au peuple pour désigner son représentant. Cela veut
dire aussi qu'un élu quelconque qui a fini son mandat doit se
retirer sans laisser de consigne et s'il avait un candidat, qu'il ne
cherche pas à l'imposer au peuple, car le pouvoir d'état n'est pas
un héritage personnel, familial, à transmettre à ses enfants, ses
proches parents ou ses amis !
La
Domination Légale-Rationnelle implique aussi que chaque citoyen
puisse être électeur et éligible sauf s'il est privé de ses
droits civiques pour incapacité, ou pour infractions à la loi. Tous
ceux qui ne sont pas frappés d'incapacité, et qui ne sont pas sous
le coup de privations de leurs droits civiques devraient pleinement
être candidats à l'élection présidentielle dans leur pays dès
lors qu'ils prouvent leur citoyenneté. Peu importe qu'ils résident
dans le pays. Car les conditions de résidence ne sont pas une
garantie de compétence et de performance.
De
ce qui précède, chacun de nous peut réaliser que selon les pays
africains, et en fonction du niveau dé Démocratie qui y prévaut,
l'on n'est pas toujours sous la Domination Légale Rationnelle. Au
contraire, nous sommes en grande partie sous la Domination
Traditionnelle et sous la Domination Charismatique. Parfois, parce
que le peuple y est contraint par une dictature sanglante et
répressive, parfois à cause de l'ignorance. En effet, en Afrique
Traditionnelle, seuls les Chefs qui offrent de loyaux services au
peuple sont incontestables. Seuls les chefs qui respectent les les
coutumes, protègent les populations, les aiment et les respectent ne
sont pas remis en cause. Quant aux sanguinaires, à ceux qui ne
respectent pas l'intérêt général, mettent la vie du peuple en
danger par des comportements liberticides et un bellicisme débridé,
ils sont capturés par le peuple, destitués, bannis du peuples, et
contraints à l'exil. Cela pour dire que le respect de la tradition
ne donne pas quand même droit à tout au chef en Afrique. Surtout
pas le droit de vie et de mort sur le peuple. Par ailleurs, il
n'existe pas de règne à vie pour le chef en Afrique contrairement à
certaines idées reçues. Au contraire, le chefferie traditionnelle
africaine est conditionnée par la contingence. Ces rappels sont
utiles car très souvent, l'interprétation erronée des traditions
africaines entraînent un grand désordre social dans cette Afrique
moderne à la recherche de ses repères.
On
le voit bien, la question du « retour aux sources » si
récurrente en Afrique n'est pas si évidente que çà. Pour cela,
nous dirons : oui à un « retour aux sources », mais
d'abord, à un « retour aux sources » rationalisé, et
non à « un retour aux sources » sans ménagement.
Cela
fait partie des combats de l'UPACEB.
Yéble
Martine-Blanche OGA épouse POUPIN
1In
Wikipédia
2Wikipédia
Op cit
3Wikipédia
Op cit
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