DE
L'AFRIQUE TRADITIONNELLE A L'AFRIQUE MODERNE OU LE PASSAGE DE
L'INTEGRATION SOCIALE A LA DESINTEGRATION SOCIALE.
Parler de mutations
profondes de la société africaine traditionnelle en matière
d'intégration sociale à un petit Africain né dans une ville, au
sein d'une famille moderne et nantie, qui de surcroît a grandi dans
une villa cossue entretenue par de nombreux gardiens et travailleurs
à domicile, dans un quartier huppé d'Abidjan, de Libreville, de
Dakar, de Yaoundé, de Brazzaville, de Kinshasa...etc., c'est comme
la prédication dans le désert d'un dernier prêtre de culte en voie
de disparition à un incroyant. Non seulement ce petit Africain vous
croira à peine, mais encore il verrait en vous un vil mélancolique
d'une période imaginaire, délirant à plein tube.
Mais, pour l'Africain né
dans une campagne et un village africains sous le régime des
traditions ancestrales, devoir se souvenir de ce passé, et opérer
un parallélisme entre cette Afrique traditionnelle et l'Afrique
moderne, quelle souffrance ! Quelle torture psychologique !
Et finalement quel désenchantement !
Entre cette société
traditionnelle africaine, où, l'individualisme était inconcevable,
vu que c'est l'altruisme caractérisé par le groupe, le collectif,
qui donnait un sens à la vie des personnes, et cette société
africaine moderne où, inversement, c'est le culte de
l'individualisme, mais quel écart !
Au risque de tomber dans
le culte fanatique d'un modèle social au détriment d'un autre,
disons avec réalisme qu'autant, l'excès d'intégration sociale peut
nuire à l'individu dans certains cas, autant, il est tout aussi vrai
que l'excès d'individualisme est non seulement nocif à l'individu
mais encore à la société. De ce constat, la logique voudrait que
la société idéale soit celle qui favorise les deux formes de vie
sociale que sont : l'individualisme et le collectivisme.
Nos amis Européens ont
établi cet équilibre : parallèlement à l'institution sociale
originelle qu'est la famille, ils ont mis en place plusieurs
institutions sociales comme les orphelinats, les maisons de retraite,
les logements sociaux, les structures d'entraide sociale...etc.
A l'opposé, en Afrique
moderne, on a uniquement fait de démanteler le réseau du
collectivisme traditionnel chargé de prendre en charge l'insertion
sociale de l'individu à tous points de vu sans lui substituer
d'autres institutions. Aucune alternative n'a été envisagée avec
le destruction du lien social dans l'Afrique moderne. Du coup,
aujourd'hui, en Afrique, naître dans une famille aisée est une
garantie de réussite, lorsque naître dans une famille démunie
inscrit le destin de l'individu dans le chaos.
Le chômage galopant dans
les villes et campagnes africaines, l'analphabétisme chronique et
ses ravages au sein des collectivités où se côtoient lettrés et
illettrés avec son lot de conflits permanents, l'abandon des malades
sans soins, l'insécurité...etc. se développent sur le continent et
se prolongent dans la durée comme s'ils étaient le fait de la
fatalité, du mauvais sort, face auxquels l'on n'y pouvait rien.
Ainsi, on oublie que si l'Afrique noire connaît une dégradation
sociale d'une telle ampleur, c'est bien parce que les États
africains ont tous adopté un système managérial complètement
étranger à celui de la société traditionnel africain. Et que les
politiques publiques modernes initiées dans nos pays respectifs sont
entièrement dépouillées des techniques de management anciens basés
sur la solidarité et l'esprit de groupe, lesquels ont permis à nos
sociétés africaines de s'inscrire dans le progrès social et ce,
dans la durée.
Devant une telle
régression sociale, l'UPACEB se propose d'être un autre outil
continental qui va insuffler une autre gestion managériale de nos
États basée sur le système traditionnel africain des politiques
publiques.
Retournons dans le passé
pour voir en exemples ce qui se faisait dans les politiques publiques
d'éducation(1), d'emploi(2), de santé(3), de finances(4), de
sécurité(5), de politique étrangère et immigration(6), politiques
culturelles...etc., et nous verrons qu'encore aujourd'hui, au 21ème
siècle, tous ces leviers peuvent être activés et rendus
opérationnels sans nuire aux États, ni même au continent mais au
contraire, les renforceront et accéléreront leur développement.
- L’Éducation
En Afrique
traditionnelle, l'éducation de tout enfant est une affaire
communautaire. Tout enfant africain, qu'il naisse d'une famille
aisée, ou qu'il naisse dans une famille pauvre appartient à la
communauté. Il reçoit la même éducation que tous les enfants du
corps social avec lesquels il grandit dans le partage de leurs
talents mutuels, dans les jeux collectifs.
Jamais en Afrique
traditionnelle, l'éducation d'un enfant n'a relevé de la
responsabilité exclusive de la famille. Bien sûr, à la naissance,
les parents ont le devoir d'instruire l'enfant sur ses devoirs
élémentaires de politesse envers l'adulte, et de convivialité avec
ses camarades de jeux. Également, l'enfant apprend à découvrir les
tabous familiaux dès ses premières années de vie sur terre. Mais
dès l'instant, où, l'enfant se pose en tant que sujet, qu'il
intègre le corps social auquel il est appelé à s'identifier, c'est
tout le corps social qui prend en charge son éducation.
Question : pourquoi,
aujourd'hui, en Afrique, certains États sont nombreux à ne pas
rendre l'école obligatoire et gratuite pour tous les enfants jusqu'à
un certain âge ? Et pourquoi ce laisser-aller, ce laxisme au
niveau continental, entre États rendant l'école obligatoire et
d'autres États ne la rendant pas ? L'Afrique traditionnelle
a-t-elle une seule fois transigé en matière de politique
éducative ?
Je le disais tantôt en
ce qui concerne les rites initiatiques dans l'Afrique traditionnelle.
Les rites initiatiques obéissaient à des critères d'âge, de sexe,
de clan, de village, de tribu...etc.
A ces occasions, tous les
impétrants remplissant les critères requis subissaient lesdits
rites sans exclusive.
Question :
pourquoi au sein de certains États de notre continent, l'inscription
à l'école connaît-elle tant de discriminations qui laissent à la
rue et sur le pavé de nombreux enfants africains soumis à des
corvées et à de mauvais traitements ; tandis que d'autres de
leur âge sont tranquillement dans les classes ?
C'est le lieu de rappeler
qu'une Organisation à caractère continentale peut rétablir la
justice sociale en matière d'éducation. En effet, de même qu'en
Afrique traditionnelle, l'éducation des enfants relève de la
compétence du corps social tout entier, les États africains ont le
devoir moral de transférer leur compétence en matière d'éducation
à une organisation continentale comme l'UPACEB, afin qu'elle
se charge des politiques publiques dans ce domaine.
- L'emploi
L'Afrique traditionnelle
ne connaissait pas de chômage. En effet, au sein de cette société
rurale vivant d'agriculture, de chasse et de pêche, l'emploi était
organisé en corporations. Du coup, chaque membre de la société
appartenait à un corps professionnel qui exerçait le travail à la
chaîne. Cela veut dire que les uns et les autres selon leur
obédience professionnelle s'entraidaient. A tour de rôle, on allait
aider un tel à défricher son champs, on allait prêter main forte à
tel autre pour ses récoltes. Ainsi de suite, chacun, bénéficiait
de forces supplémentaires pour commencer ou pour finir son travail.
Et voilà pourquoi les richesses ainsi produites pouvaient bénéficier
aux plus précaires de la communauté car la création de richesses
était une entreprise collective.
Mine de rien, une telle
politique de l'emploi peut être mise en place à un niveau
continental par le transfert de compétences entre les pays. En
effet, à défaut d'une telle politique de coopération
professionnelle, dans certains pays africains, des médecins, des
ingénieurs, des professeurs, des diplômés en trop sont au chômage,
quand d'autres pays africains, on déplore un déficit de qualifiés.
Devant une telle
situation, une organisation continentale de type de l'UPACEB peut
coordonner les échanges de compétences entre les pays. Il ne
s'agira pas pour les chercheurs d'emploi de postuler directement
auprès de l'UPACEB qui ne les connaît pas et ne peut pas vérifier
la crédibilité de leurs diplômes. Il appartient aux États membres
d'identifier et de fournir chaque année leurs besoins ainsi que
leurs postes à pourvoir dans des domaines précis. Parallèlement,
il leur appartient de fournir chaque année une liste de leurs
qualifiés, disponibles, pour exercer dans un autre pays membre de
l'UPACEB.
Cela veut dire que la
compétence, en matière de politique de l'emploi peut être
subsidiairement transférée à l'Organisation Continentale comme par
exemple l'UPACEB.
Pour exemple, dans le
domaine agricole, l'Union Européenne a une politique agricole
commune. Ce qui lui permet de venir en aide financièrement aux
agriculteurs de l'Union. Pourquoi le continent africain ne le ferait
pas pour ses paysans et autres professionnels dans d'autres
domaines ?
3) La Santé
S'il y a un domaine en
Afrique traditionnelle qui n'échappe pas à l'action groupale, c'est
celui de la santé. Et cela mérite d'être expliqué.
En effet, si pour la
science européenne, l'Être Humain est composé en trois parties :
le Corps, l'Esprit, et l'Âme, pour la science africaine,
l'Être Humain est composée en quatre parties : le Corps,
l'Esprit, l'Âme et le Cœur.
Ainsi, pour la science
africaine, l'individu est orienté dans une double verticalité :
- une verticalité qu'il détient de son âme qui l'oriente vers les dieux, et le grand Dieu.
- Une verticalité qu'il détient de son esprit qui l'oriente vers les ancêtres.
Et enfin, pour les
Africains, l'individu est orientée dans une double horizontalité :
- Une horizontalité qu'il détient de son corps ; et une autre horizontalité qu'il détient de son cœur, lesquelles l'inscrivent dans ses rapports avec les autres membres du corps social.
Sur
ce dernier point, on comprend pourquoi les Africains ont le devoir
d'entretenir leurs corps pour être toujours présentables devant les
autres, et qu'ils s’efforcent d'être généreux car la pratique de
la générosité est signe d'un « bon cœur ».
Dans cette société, le
corps, étant l'enjeu de plusieurs convoitises et matière à
séduction, il est donc finalement facteur d'intégration sociale ou
au contraire, dans le cas où il serait dégradé, facteur de
relégation sociale. C'est ce qui explique que le corps ne se laisse
pas à l'abandon mais qu'il est au contraire entretenu avec soin en
Afrique. Par ailleurs, le corps modèle étant soumis à des critères
esthétiques sélectifs, rigoureux, on comprend pourquoi les
handicapés, les Albinos qui ne rentrent pas dans les critères du
corps idéal sont souvent victimes de marginalisation sur notre
continent.
C'est dans cette
perspective que le corps humain, enjeu de plusieurs défis sociaux,
dès lors qu'il est frappé par la maladie, c'est-à-dire par la
disgrâce tombe en quelque sorte dans « le patrimoine commun »,
en ce sens que tout le monde se sent concerné.
Par ailleurs, objet
déterminant dans ses rapports avec les autres membres du groupe
social, et constituant un réel capital social pour chacun au sein de
la société, la dégradation du corps humain par la maladie est
caractéristique de désintégration sociale de l'individu. D'où,
le malade, sa famille et son clan se mobiliseront pour conjurer le
mauvais sort.
En outre, en pleine
santé, tout individu est membre du corps social auquel il apporte
tous ses dons et tous ses talents et en l'espèce, il constitue un
réel capital social pour le groupe. Malade, forcément, sa mise en
quarantaine devient obligatoire, ce qui privera son groupe de toutes
les richesses qu'il lui apporte. Et voilà pourquoi la communauté
toute entière s'implique dans la recherche de remèdes pour sa
guérison.
Avec un tel esprit de
solidarité envers le malade dans l'Afrique traditionnelle,
aujourd'hui, la compétence en matière de politiques de santé
publique peut être facilement transférée à une organisation
continentale comme l'UPACEB, sans que les États en soient lésés.
- Les finances
En Afrique
traditionnelle, s'il est une fonction relevant du bénévolat qui a
fait ses preuves en matière de financement public, c'est celui de
l'Usurier. Et s'il y a un dispositif communautaire qui a aidé
les uns et les autres à s'enrichir sans s'endetter, c'est celui de
la Tontine.
L'usurier
en Afrique traditionnelle est celui qui prête aux autres bien
souvent sans intérêt.
Quant
à la Tontine financière, elle est
une association collective d’épargne regroupant des souscripteurs
qui sont les seuls à en jouir des bénéfices générés. En
Afrique, ce dispositif est encore en vigueur chez les peuples
Bamiléké et Bamoun au Cameroun.
Au
niveau de l'Union Européenne, on peut dire que ce sont ces deux
dispositifs qui sont mis en place sous une forme moderne.
Ainsi, les États, selon qu'ils sont plus riches, prêtent aux États
les plus pauvres à des taux très bas, comme l'Usurier en Afrique
traditionnelle.
Dans
d'autres cas, c'est la banque centrale qui procède à la répartition
des richesses collectées par les États membres, aux mêmes États
en fonctions des critères de population, de leurs besoins..etc. Au
sein de l'UE, une telle politique est de mise pour
éviter de trop grandes disparités économiques entre les
États.
En
Afrique aussi, bien évidemment, une Organisation Continentale comme
l'UPACEB peut mettre en place le système d'usure sans intérêt
entre les États ainsi que le système de tontine comme c'est le cas
en Afrique traditionnelle.
5)
La sécurité
En
Afrique traditionnelle, la sécurité des personnes et des biens est
l'affaire de tous. Dans cette société traditionnelle, on peut dire
sans se tromper que la morale sociale fait de chacun, responsable de
la sécurité de l'autre et de tous. Pareillement, en cas de périls
chez le voisin, toutes les forces locales sont coalisées pour
contenir et circonscrire l'étendue des dégâts. Et donc, en matière
sécuritaire, l'Afrique traditionnelle agissait dans la coalition de
toutes ses forces militaires, et il était exclu de laisser le
village voisin victime d'une agression aux abois, se dépêtrer tout
seul.
Du
coup, transférer subsidiairement des compétences en matière de
sécurité par des polices de frontières communes, des armées
continentales de défense du territoire à une Organisation
Continentale comme l'UPACEB ne devrait même pas poser de problème.
- La politique étrangère et l'immigration
En
Afrique, l'intrusion dans le corps social d'un nouveau membre suscite
toujours la méfiance des uns et des autres qui, tout en lui offrant
accueil et hospitalité veillent à ce qu'il ne transgresse aucune
norme sociale en vigueur auquel cas il encourt le bannissement. Pour
la prévention de tout trouble à l'ordre social, les nouveaux venus
dans le groupe sont suivis à un niveau individuel mais aussi
collectif car le plus important dans la société est la sauvegarde
du lien social.
Une
telle vigilance collective à l'égard de l'étranger peut être
appliquée à un niveau continental africain, ce qui favoriserait le
transfert de compétences des États en matière de politique
étrangère et d'immigration, à une organisation continentale comme
l'UPACEB
- Les politiques culturelles
En
Afrique traditionnelle, les musiciens qui animent les fêtes votives,
les foires, les rites...etc. sont pris entièrement en charge par la
collectivité. Pareillement, les organisateurs des différentes
activités récréatives au sein de la population vivent, pendant
l'instant de leur production sur le compte de ladite population. Il
en est de même pour les conteurs, les comédiens et de tous les
acteurs qui concourent à l'essor des œuvres de l'esprit au sein de
la société.
En
effet, la pensée commune considère que de par leurs œuvres, ces
catégories sociales contribuent à entretenir la mémoire du peuple
pour lui assurer une longévité certaine.
De
ce postulat, il résulte que normalement, les politiques culturelles
devraient bien sûr relever de la compétence des Etats, mais
qu'elles devraient partiellement incomber à la charge d'une
organisation continentale comme l'UPACEB. Ce qui devrait permettre à
un niveau continental, l'accord de subventions et de couvertures
sociales aux artistes et à tous ceux qui œuvrent pour la la
protection et la promotion des cultures africaines.
Autant
d'enjeux que notre continent s'il doit s'engager dans la modernité,
est appelé à relever et que l'UPACEB (Union des Peuples Africains de Civilisations Ebènes) serait le bienvenu pour
encadrer.
Yéble
Martine-Blanche OGA-POUPIN